{Chronique} La griffe du diable

Poursuivie par ses démons, Jennifer Dorey a quitté Londres pour retourner dans sa maison d'enfance avec sa mère, à Guernesey, ou elle est devenue reporter au journal local. Elle pensait pouvoir souffler un peu. Elle avait tort.

Quand le cadavre d'une jeune femme s'échoue sur une plage, la journaliste mène sa propre enquête et exhume plusieurs morts similaires qui s'étendent sur une cinquantaine d'années. Plus troublant encore, toutes les victimes avaient sur le bras des marques semblables à un symbole gravé sur un rocher de l'île : les « griffes du diable », dont la légende veut qu'elles aient été laissées par Satan lui-même...

Je vous emmène aujourd'hui sur l'île de Guernesey, une île anglo-normande qui se situe au large de Saint-Malo et qui ne vous est peut-être pas inconnue car il y prospère une race de vache laitière très réputée mais surtout parce que c'est à cet endroit que se termina l'exil de Victor Hugo suite à la parution d'un pamphlet sur Bonaparte.

Jennifer Dorey, elle, est une native de Guernesey. Elle est revenue au pays suite à une agression qui l'a traumatisée et partage sa vie entre la maison familiale et son travail au journal local. Un train-train quotidien qui la rassure et par lequel elle se laisse porter.

Tout bascule lorsque lors d'une fête de village, le cadavre d'une toute jeune fille est découvert sur la plage. Tous les indices étayent la version du suicide. Mais Jennifer décide de ne pas s'arrêter aux éléments flagrants et d'enquêter plus en avant sur cette affaire. Commence alors une chasse aux sorcières et les démons exhumés du passé dévoilent qu'un tueur en série sévit depuis des années sur cette île aux relents paradisiaques.

Je ne vais pas vous le cacher plus longtemps, ce thriller est pour moi une petite déception. J'aime quand l'action rythme les enquêtes et c'est là la plus grande faille de cet ouvrage. Mais commençons par ce qui fait que je ne relègue pas ce livre au fond des oubliettes et que ma déception est largement nuancée grâce à de nombreux points positifs.

L'auteure a choisi de faire de Guernesey le personnage principal de ce roman. Et là, je dis oui. L'immersion est totale, on y découvre un folklore et des légendes bien ancrées qui font que l'envie de se rendre à cet endroit est palpable au fil de la lecture. On se laisse porter au fil des descriptions, charmé par des lieux dont on ne soupçonnait pas l'existence, happé par des lieux aux couleurs étincelantes et de sombres secrets cachés dans tous les recoins de l'île.

Le décor est important pour faire une bonne histoire, j'en conviens, mais il faut tout de même que le reste suive et c'est là que le bat blesse quelque peu.

Je n'impute pas cela aux deux personnages principaux dont la psychologie est très intéressante et bien utilisée. Jennifer et Michaël sont deux personnes que la vie n'a pas épargné et les voir enquêter ensemble, découvrir leurs failles mutuelles est un réel plaisir. Ce sont des personnages humains et réalistes que nous pourrions croiser tous les jours et que le lecteur arrive très bien à visualiser. Et c'est peut être le but recherché car il apparaît que ce roman sera adapté sous forme de série. J'imagine très bien un rythme parallèle avec Broadchurch que j'ai beaucoup apprécié mais qui, avouons le, ne vous secoue pas sur le canapé.

L'intrigue est également très intéressante, sur fond de deuxième guerre mondiale et d'occupation allemande. La corrélation entre différents meurtres se fait petit à petit et met à jour un tueur que la société à façonner à devenir une bombe à retardement.

Mais que tout cela est long à se mettre en place et à avancer. Le rythme souffre vraiment de longueurs qui m'ont dérangée tout au long de ma lecture. J'avais l'impression d'assister à la cuisson parfaite d'un soufflé mais que mes convives arrivaient en retard et que ce plat devant lequel je bavais finissait tout raplapla. 

En conclusion, "La griffe du diable" est un roman dépaysant qui vous donnera envie de découvrir Guernesey et ses magnifiques paysages doublé d'une intrigue qui exhume les fantômes du passé. Un petit bémol pour le rythme du récit qui manque quelque peu de dynamisme mais qui pourrait plaire aux amateurs de polars anglais par son côté flegmatique.